Du flouze pour nos enfants !

La tête dans les étoiles et les pieds dans la merde.

Du flouze pour nos enfants !

Une jeune mère et son enfant sont arrêtés sur le bord du trottoir face à un passage piéton.

Le petit bonhomme du feu est rouge. La mère explique à son fils sur un ton professoral que lorsque le petit bonhomme est rouge il faut rester bien sagement sur le trottoir. Quand le petit bonhomme devient vert et uniquement lorsqu'il devient vert, on doit regarder attentivement à gauche puis à droite avant de traverser. Le gamin écoute sa mère religieusement, le feu est rouge et il ne faut surtout pas traverser.

Je traverse la rue en courant, un taxi klaxonne et un « connard » retentit.

Je me marre intérieurement. Je revois la mère en train d'expliquer à son mioche qu'il faut être très prudent et moi je déboule comme un con au milieu de la chaussée. Je l'ai fait exprès...

J'imagine déjà la maman dans l'embarras, tentant vainement d'expliquer à son gosse qu'on a pas le droit de faire ça mais que certains le font quand même, mais que c'est pas bien et qu'il ne faut pas le faire, mais que certains le font mais qu'ils n'ont pas le droit... Paye toi ton sujet philo à trois ans.

Les gosses m'emmerdent et leurs parents davantage encore.

Si je suis devenu directeur de crèche, c'est pour le pognon. Et du pognon il y en a à se faire avec les gamins. Pour ça il suffit de faire culpabiliser les parents, de leur faire croire que s'ils n'ont pas la dernière poussette en mousse synthétique de poivre vert ou la dernière tétine fabriquée en sperme d'antilope des neiges, ce sont des parents indignes. Moi j'ai bien compris le truc.

Dans mon quartier les parents sont prêts à tout pour l'épanouissement de leurs chiards et je leur vends de l'épanouissement en-veux-tu-en-voilà. Moins ça me coûte et plus je le vends cher.

J'aime convaincre les parents que les enfants n'ont pas besoin de jouets et d’environnement trop marqué symboliquement, que leur esprit encore vierge de la vague infâme du capitalisme débridé doit être protégé pour devenir créatif, inventif... pour faire de leur enfant un futur génie heureux de vivre. Et bien croyez le ou non mais les parents sont prêts à payer une fortune pour faire garder leur enfant dans un endroit sinistre et vide. Quand je vous dis qu'il y a des cons...

Je m'arrête au bar-tabac du coin de la rue. Je demande un café bien serré et paye un paquet de Malboro. J'attrape le Parisien qui traîne sur le comptoir et découvre une nouvelle bien réjouissante.

« Le taux de la natalité augmente encore en France mais le nombre de places en crèche fait cruellement défaut ». L'article raconte à en faire tirer les larmes le parcours du combattant de parents désespérés.

Venez mes amis ! Venez ! Quand ma cage à mioches sera pleine j'en ouvrirai une autre et encore une autre avec un nouveau concept ! Le concept : « Faites de votre enfant un Spartiate pour qu'il puisse faire face au monde impitoyable qui l'entoure ». Un local humide, limite insalubre, pas de chauffage, une alimentation sommaire et des parents ravis d'engager leur enfant sur la voie de la résistance pour un tarif tout à fait scandaleux. Ça c'est une idée !

Mon café avalé, je ressors tout sourire pour me rendre au boulot, content de ma nouvelle idée. Dans quinze minutes je reçois un jeune couple qui attend des jumeaux. Je les imagine déjà, la mine radieuse de ceux qui attendent un heureux événement mais le fond du regard inquiet de ne pas trouver une place pour leurs petiots. Non vous inquiétez pas les amis, il y a toujours une place pour ceux qui allongent la monnaie !

Je m'allume une cigarette et me dirige d'un pas allant vers la crèche située de l'autre côté de la rue.

Mon téléphone sonne, le sms annonce que mon rendez-vous aura un peu de retard.

Un camion klaxonne, les freins crissent, le petit bonhomme est rouge.

#Vermot #texte #Lespiedsdanslamerde #galerie