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Confessions d'un enfant de chœur.

11 - Pray for Paris

 

C'est à genou au pied de la vierge que Monsieur le curé m'a trouvé ce jour là en train de prier. Il était accompagné des enfants Duval, du grand Joseph, des jumelles Vozniak et de Monsieur Gonzales l'organiste.

 

- Que fais-tu ici gamin?

- Je prie pour Paris mon Père.

- Qu'est ce c'est que ces conneries!  Tu crois vraiment tout ce qu'on dit à la TV: si prier servait à quelques choses et si le bon Dieu ouvrait de temps en temps ses esgourdes, on ne serait pas dans ce foutu bordel!

- Je prie pour repousser les terroristes et les délivrer du mal qui les ronge mon Père.

- Si tu veux emmerder ces attardés de barbus coincés du cul, tu peux te joindre à nous. On va lui donner de la saveur à notre pays de débauche et crois moi, de l'amour, on en a à revendre. N'est ce pas vous autres?!

- Ah ça! Répondent les autres en chœur.

- Si tu veux perdre ton temps à "Prier pour Paris" ça te regarde mais tu dégages, compris! C'est ce qui est pratique avec la prière gamin: c'est où tu veux et quand tu veux, mais certainement pas quand on a une "séance de répétition" de la chorale de Noël *. 

- Reste avec nous me dit une des jumelles en me prenant la main.

- Monsieur le curé à raison m'explique la seconde, c'est par l'amour et la tendresse qu'on repoussera les démons. Nous sommes tout ce que ces gens là détestent: Voir mon pti minou mouillée d'excitation les rend malade.

- Imaginer mon engin cracher sa purée dans la bouche Monsieur Gonzales les fait gerber, reprend le grand Joseph.

- Que je puisse rejoindre ma sœur chaque nuit dans son lit pour observer sa poitrine éclore leur est insupportable ajoute un des enfants Duval.

- Vous avez raison mon Père conclu M. Gonzales, ce ne sont que des bougnoules attardés coincés du cul et jaloux de notre liberté. Dans leur pays il y a longtemps qu'ils m'auraient enfoncé toutes les notes de mon orgue dans le fion. On les emmerde et on emmerde les bigotes!

 

"Pray for Paris" mon cul! hurle Monsieur Gonzales en baissant le pantalon du grand Joseph.

- Mais mon Père interviens-je, tout cela c'est le mal?!

- Ne voilà t-y pas que le morveux se mettrait à me donner des leçons de théologie et à défendre ces tarlouzes de kamikazes... "Aimez-vous les uns les autres" ça te dit quelque chose non? C'est l'enseignement de Jésus que nous mettons en pratique ici pour combattre le mal. Tu devrais t-y mettre aussi si tu ne veux pas aller bruler en enfer avec ces trous du cul.

- Les vierges c'est ici et maintenant et pas dans leur paradis à la mords- moi-le-nœud! se marre le grand Joseph en tirant à lui la plus jeune des filles Duval.

 

Je suis outré mais Monsieur le curé a surement raison: Je ne suis encore qu'un gamin et ne dois pas comprendre toutes les subtilités et la grandeur de la parole de Dieu.

"Aimez-vous les uns les autres" c'est pourtant si clair, si limpide. Comment ne pas voir que les affectueuses caresses des jumelles Vosniak sont un signe d'amour, comment ne pas saisir que les baisers échangés par monsieur le curé et Simon Duval sont la preuve de la tendresse de Jésus pour les Hommes, comment ne pas apercevoir la bonté de Dieu dans le don du grand Joseph à M. Gonzales, comment ne pas me sentir aimé quand nous nous retrouvons tous nus et enlacés comme les Adam et Ève des origines.

 

J'ai une nouvelle fois été prétentieux et j'ai mis en doute la parole de Monsieur le Curé, j'ai honte.

 

"Pray for Paris" Mon cul! Crie-je quand le doigt de M. Gonzales me pénètre tendrement l'anus.

 

 

* Voir épisode 5.

Confessions d'un enfant de chÅ“ur

10 - Le "dimanche des rameaux"

 

C'est une des fêtes que je préfère, une des rares messes qui se tient à l'extérieur de l'église. Le jour du "dimanche des rameaux", tous les fidèles sortent en procession de l'église pour se rendre au pied de la grande croix à la sortie du village. À la main, chacun tient et agite un beau rameau d'olivier béni. Cette cérémonie commémore l'entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem acclamé par une foule agitant des palmes.

Monsieur le curé est fier de pouvoir défiler ce jour là: "on est bien plus nombreux que ces bons à rien de communistes du 1er mai et on a quand même plus de gueule que ces sales traitres de vétérans grabataires de la bonne guerre de 39/45".

C'est vrai qu'elle a de l'allure notre procession. Tout le monde porte ses plus beaux habits et chante d'une seule voix. J'en ai toujours les larmes aux yeux. Même Francis le clochard a un mis un beau costume: certaines mauvaises langues disent reconnaître le costume mortuaire de l'ancien banquier décédé il y a peu. Francis aurait ouvert le cercueil et subtilisé le costume avant que le tombeau ne soit scellé.

 

Avant le début de la messe, les jumelles Vozniak, le grand Joseph et les ainés de la famille Duval tiennent un stand sur le parvis de l'église. Ils vendent des rameaux d'olivier fraichement coupés. "2€ le petit! 4€ le grand!" hurle le grand Joseph.

Sur un petit écriteau est écrit que l'argent récolté sera reversé au Secours Catholique. Ce que les fidèles ne savent pas c'est que les branches d'olivier ont été coupées et volées dans le champ de M. Noyeux l'oléiculteur, et que l'argent récolté sera intégralement dépensé dans les festivités annuelles des anniversaires des sœurs Vozniak:

"Alcool, capotes et fumette" m'avait un jour avoué le grand Joseph en m'assénant des coups dans le ventre pour je me taise.

Jusqu'à présent j'ai réussi à tenir ma langue mais cette fois j'ai décidé de dénoncer cette pratique mafieuse à Monsieur le curé. Les marchands du temple (voir le nouveau testament (je ne vais pas non plus tout vous servir sur un plateau)) vont bien voir de quel bois je me chauffe.

 

- Monsieur le curé! J'ai quelque chose de grave à vous dire... j'aimerais vous parler seul à seul.

- Qu'est ce qu'il y a encore gamin?! Tu ne vois pas que je suis en pleine discussion avec Mme Verneuil? (voir épisode 7)

- C'est très important mon Père.

- Ah les enfants, toujours inquiets pour des broutilles... Qu'est ce qu'il y a? On t'a piqué ton gouté? Mme Verneuil, je vous dis à ce soir pour notre petite affaire.

- Mon père, le stand de vente de rameaux d'olivier sert d'honteux prétexte à des pratiques infâmes: Je vous parle ici de sexe, de drogue, d'alcool et de tout ce que proscrit Notre Saint Mère l'Église.

- Parle mon enfant, tu as toute mon attention, ce sont des sujets qui me préoccupent particulièrement.

- Les jumelles Vozniak, Joseph et les enfants Duval volent l'argent récolté pour organiser des soirées de débauche. Détourner la générosité et la bonté des gens, Jésus doit être très en colère!

- Ce que tu rapporte là gamin est tout bonnement scandaleux. C'est une Honte! Tu n'as pas honte vermine de cracher ainsi sur tes petits camarades! Je suis convié chaque année à ces festivités. Là où tu vois débauche, je vois moment d'échange, de partage, je vois communion et union des êtres. Les petites Vozniak savent être généreuses avec leurs convives et ils le leur rendent bien. Tu n'es qu'un sale petit con prétentieux et un jaloux! Saches que la médisance est un pêché et une désobéissance aux commandements de Dieu!

- Veuillez m'exuser mon père...

- Fais moi confiance salaud, je trouverai un moyen de te faire expier cette faute!

 

En effet, quelques minutes plus tard, le groupe de mafieux oléicoles m'attrape sans un mot et m'entraine dans la sacristie déserte. Très vite, je me retrouve avec le pantalon au niveau des chaussettes et des rameaux d'oliviers qui me fouettent vivement le derrière.

 

Si suivre à pied le cortège fut difficile ce jour là, la procession fut magnifique. Tous les fidèles endimanchés chantant d'une seul voix et agitant des rameaux d'olivier m'ont mis les larmes aux yeux.

 

Confessions d'un enfant de chœur.

9 - Le grand pardon

 

Un an déjà qu'avait eu lieu la dernière séance. Monsieur le curé, sans un certain humour, avait nommé l'exercice "le grand pardon". Le moment était important pour lui mais je rechignais quelque peu à me soumettre à la tâche.

Chaque 8 novembre, le jour de son anniversaire, Monsieur le curé tenait à expier ses pêchés et "quoi de mieux qu'une bonne fessée déculottée pour racheter ses fautes" disait-il. Là encore, en bon enfant de chœur, je l'assistais dans l'opération.

 

L'escalier est raide et étroit pour descendre dans la crypte de l'église, si bien qu'il faut être très prudent.

- Ce serait dommage que je me fasse mal avant de me faire du mal, ricane Monsieur le curé. Il paraît que c'est en tombant dans cet escalier que le vieux Ludwig est devenu l'idiot du village.

Nous arrivons dans la crypte, la salle voutée est froide et humide, les accessoires sont déjà en place: cordes pour les liens, vieux sommier de lit accroché à la verticale sur le mur du fond, bougies pour la cire chaude et fines branches de noisetier pour la séance de flagellation.

- Rien de tel que le noisetier: c'est souple, fin, ça pénètre bien les chairs. Allez mon enfant, au boulot! C'est que j'en ai beaucoup à expier cette année.

Inutile de décrire par le menu ce que me demande Monsieur le curé une fois attaché nu au vieux sommier en fer mais les gouttes de cire brulante que je dois laisser tomber lentement sur le bout de son sexe en érection me donne vraiment de la peine.

- Vas-y gamin, n'hésite pas! me répète-t-il en hurlant et en riant de douleur, ce machin est allé tremper dans des endroits pas très catholiques (bien que les gamines Vosniak et Mme Verneuil soient de ferventes pratiquantes).

Pauvre Monsieur le curé...

J'ai plutôt l'habitude de chanter "joyeux anniversaire" devant un beau gâteau illuminé de bougies mais là encore, flageller en chanson le postérieur de Monsieur le curé dans lequel est planté un cierge pascal reste pour moi une pratique étrange.

Au bout d'une heure et demie, Monsieur le curé m'autorise enfin à arrêter de lui triturer les tétons avec de vieux clous rouillés. La séance est terminée.

- Je crois que c'est bon gamin, je pense même avoir pris de l'avance sur l'année prochaine, je te remercie. Mais dis moi mon enfant, rappelle moi la date de ton anniversaire...

Confessions d'un enfant de choeur

8 - La crèche vivante (1)

 

Noël approche.

Pour mettre un peu d'animation sur le parvis de l'église, Monsieur le curé a décidé de monter une crèche vivante.

Toute la paroisse est en ébullition. Il est vrai que l'évènement est d'importance et qu'il demande une sacrée organisation: Les ouvriers de la menuiserie Gilbert ont gentiment proposé de construire l'étable et la mangeoire dans laquelle naîtra le petit Jésus, M. Dumont le boucher a réussi à détourner un vieil âne, un bœuf et des moutons avant qu'ils ne partent pour l'abattoir, et le casting des nombreux personnages du tableau est assuré par Monsieur le curé.

 

Je suis aux anges! J'ai été choisi pour incarner le petit Jésus. Une des jumelles Vozniak va revêtir les habits de Marie ("Qu'elle soit vierge celle là, m'étonnerait beaucoup" pouffe Monsieur le curé), le grand Joseph portera les vêtements de... Joseph, tandis que les enfants Duval interpréteront les bergers et les badauds. Les rois mages Melchior, Gaspard et Balthazar seront respectivement joués par Monsieur le curé, Francis le clochard et par Apolline ("C'est peut être une femme mais c'est le seul bamboula qu'on ait au village! De toute façon ils ont tous la même tête et personne ne remarquera rien" s'est justifié Monsieur le Curé). Il a enfin été décidé que M. Gonzales  porterait les ailes et l'auréole de l'ange Gabriel  (c'est lui qui annonce à Marie dans l'évangile de Luc qu'elle sera enceinte de Jésus (je sais tout ça car je suis enfant de chÅ“ur)).

 

L'après-midi du 24 décembre, tout ce petit monde a pris place devant les villageois enchantés. Je suis le centre du tableau, le centre de toutes les attentions.

Passé les premières minutes d'euphorie, l'ennui  commence à gagner certains d'entre nous. Les heures à passer dans le froid, immobiles, risquent d'être longues.

M. Gonzales déguisé en ange porte le premier coup: placé sur un promontoire au-dessus de la scène il s'amuse à me lâcher de petits crachats sur le visage. Ça a l'air de le faire marrer.

Puis c'est au tour de la jumelle Vozniak de démystifier le tableau: Un regard aguicheur lancé au grand Joseph, elle se met à caresser discrètement le sexe du vieil âne qui ne tarde pas à venir pendre longuement à quelques centimètres de mon visage. Il n'en faut pas plus au grand Joseph pour glisser sa main en douce sous les voiles de la Sainte Vierge et la faire jouir de plaisir.

L'âne brait, la Jumelle Vozniak prétexte de venir câliner le petit Jésus et de lui ajuster ses langes pour me trifouiller l'entre-jambe.

- Alors mon ptit Jésus, on a pas trop froid? Hum... il fait chaud là-dessous...

Le grand Joseph, jaloux de cette attention, me fait tomber sa lourde cane de bois sur le crâne.

- Écoute-moi bien trou du culte, les jumelles Vozniak sont à moi! T'es un putain de sale PD alors contente-toi d'aller tripoter les couilles de cette baltringue de Gonzales!

 

 

Je n'ose pas bouger je ne voudrais pas gâcher un si joli tableau.

 

 

À suivre...

Confessions d’un enfant de chœur.

7 – La quête

 

Chaque messe se voit ponctuée d’une courte pause, d’une espèce d’entracte durant lequel on fait la quête. Francis, le clochard qui se porte toujours volontaire, passe dans les allées avec un petit panier d’osier dans lequel les fidèles mettent leur contribution pécuniaire.

Certaines mauvaises langues font courir le bruit que Francis profite de ce moment pour subtiliser discrètement quelques pièces pour arrondir ses fins de mois et se remplir le godet. Mais c’est mal connaître Francis, il est peut-être SDF mais il n’en demeure pas moins le plus honnête des hommes et ne manque jamais de participer avec ses maigres moyens.  

L’argent de la quête sert à payer Monsieur le curé, la réfection du toit de l’église et le contrôle technique de la papamobile.

 

De là où je me trouve je peux voir tout le monde et il est assez rigolo d’observer comment chacun participe. Il y a ceux qui comme Mme Verneuil, la femme du notaire, plongent ostensiblement un beau billet de 50 euros tout neuf dans la corbeille et d’autres qui comme le radin de M. Poissart glissent discrètement quelques piécettes. Les pièces rouges, c’est lui, et cela met hors de lui Monsieur le curé " Bordel de Dieu ! Est-ce que j’ai la tronche de Bernadette Chirac ?! C’est pas les putains de pièces jaunes ici ! Il peut se les garder et les glisser dans la raie du cul de sa femme le Père Poissart ! "

À la fin de la cérémonie, je suis chargé d’aller planquer le magot dans l’armoire de la sacristie. Vous savez, tout en haut de l’armoire derrière la pile de bibles (voir épisode 2).

 

Ce dimanche, l’église s’est vidée rapidement à cause des festivités du Beaujolais nouveau et je me trouve seul dans la sacristie.

Je viens de fermer l’armoire, de dissimuler la clef derrière le portrait de Pie XII (le pape préféré de Monsieur le curé) lorsque Mme Verneuil fait son entrée.

 

- Bonjour mon garçon susurre t-elle.

Mme Verneuil est une belle femme, "une pute qui a raté sa vocation" comme dit Monsieur le curé. Elle s’avance vers moi, glisse sa main dans mes cheveux puis se penche lentement pour m’embrasser sur le front. Par tous les seins ! Son décolleté laisse voir deux mamelles qui feraient pâlir le Mont Sinaï. J’ai beau être un gamin, je peux parfois être sensible à ces choses là.

- Que puis-je faire pour vous Madame ?

- Mon mari m’a coupé les vivres, je suis une vilaine fille paraît-il… Me voilà démunie, sans ressource, pauvre… Ne voudrais-tu pas être charitable et venir en aide à une pauvre âme ? Je sais que l’argent est caché ici… Je saurai être reconnaissante, dit elle en me caressant doucement l’entrejambe.

- Madame, cet argent est au bon Dieu désormais,

  et ce serait pêché que de le détourner

(Je m’exprime en alexandrin lorsque je suis troublé).

- Mon enfant, approche et pose ta main contre mon sein. Ne sens-tu pas combien mon cÅ“ur souffre ?

Son sein est si lourd que je ne risque pas de sentir quoi que ce soit.

- Où est cet argent mon grand ?

Elle dégrafe son soutien-gorge, remonte son pull en cachemire et dévoile sa poitrine généreuse.

- Tète moi ça ! Ça te changera du sein de ta mère !

- Arrière Madame !

Je la repousse. Elle se jette alors sur moi, m’attrape et écrase ma tête entre ses deux obus.

- Ouvre cette putain d’armoire ou je te tue !

Mourir étouffer, comme ça, ce serait trop horrible. Je lui assène un violent coup de pied dans le tibia. Elle hurle de douleur.

- Espèce de petit puceau écervelé ! Je vais te faire passer l’envie de faire des enfants ! Passe-moi la caisse !

Elle réussit à me faire tomber en m’envoyant son pied dans les parties sensibles puis elle s’assied sur mon visage. Ça alors ! Elle non plus n’a pas de culotte (voir épisode 2).

- Où est la clef ?!

Je ne peux hélas pas parler, pas respirer.

- Où est cette foutue clef ?!

Je montre le portrait de Pie XII.

- Qu’est ce que Pie XII vient foutre là dedans ?!

Au bout d’une minute elle se rend compte que je ne peux pas m’exprimer librement et desserre son emprise.

- Derrière le cadre ! La clef est derrière le cadre !

- Tu vois que tu peux être raisonnable.

Elle me libère. Je me relève, attrape la clef, ouvre l’armoire et lui donne la caisse. Mme Verneuil ne prend même pas le temps d’agrafer son soutien-gorge et de remonter son pull qu’elle a déjà quitté la pièce.

- Tu parles de ce qui vient de se passer en confession et  je te promets que je t’étouffe pour de bon. Dis-toi que j’ai tous les atouts pour en être informée. Que Dieu te bénisse mon enfant !

 

Les mauvaises langues ont eu vite fait d’accuser Francis de ce vol odieux et d’organiser une petite virée punitive.

Pauvre Francis, ses deux bras dans le plâtre ne lui ont plus permis de venir faire la quête le dimanche.

 

Amen.

 

Confessions d'un enfant de chœur .

6 - Le baptême

 

Il y a des dimanches où je suis encore plus impatient de me rendre à l'église. Les cérémonies de baptême m'emplissent de joie. Savoir qu'un enfant va enfin rejoindre la grande famille des Chrétiens me bouleverse.

 

Ce dimanche on baptise le petit Grégory, le dernier des huit enfants de la famille Duval. M. Duval est fier de sa grande famille. Il souhaiterait avoir onze enfants: "comme les apôtres de Jésus sans ce sale bâtard de traitre de Judas" aime t-il à rappeler, mais Clothilde Duval, sa femme "commence déjà à fatiguer" soupire t-il.

 

Toute la famille s'est mise sur son trente et un : les filles sont toutes vêtues d'une belle robe blanche et d'un petit nœud rose dans les cheveux, les garçons arborent fièrement un magnifique costume bleu clair agrémenté d'un élégant nœud papillon. Le petit Grégory ressemble à un poupon emmailloté dans son étoffe blanche. Quelle belle famille.

Tout le village s'est pressé pour assister à la cérémonie. Il faut dire que le vin d'honneur servi après le baptême a fini de réconcilier les plus réticents avec notre Sainte Mère l'Église.

 

Pendant que M. le curé accueille la famille Duval, je suis chargé de préparer la grande vasque emplie d'eau dans laquelle on plongera le petit Grégory en souvenir du baptême de Jésus dans le Jourdain.

 

Deux des cinq fils Duval me rejoignent dans la sacristie. Ils ne sont pas jumeaux mais se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Tous les enfants Duval se ressemblent d'ailleurs et Monsieur et Madame sont comme frère et soeur.

Dieu nous a tous créés uniques mais il est vrai qu'au bout d'un certain nombre, les combinaisons semblent de plus en plus difficiles.

 

Antoine et Antonin s'approchent et me regardent emplir la vasque avec un bidon d'eau bénite.

- Putain! Encore une heure où on va se faire chier! dit l'un.

- Grave chier! ajoute l'autre.

- T'en as pas marre toi de servir de boniche à ce salaud de cureton et de venir t'emmerder tous les dimanches dans ce rade pourri?

Ils ne me laissent pas le temps de répondre.

- Ça te dit pas de foutre un peu le bordel pour réveiller tous ces culs bénis?

Ils ne me laissent pas le temps de répondre.

Les deux frères se regardent, complices et envoient un énorme crachat dans le bassin d'eau bénite. Deux énormes glaires flottent désormais à la surface.

- Mais vous êtes fous! Pourquoi faites-vous ça?!

- Parce que c'est marrant! répondent-ils en chœur. Et c'est pas fini tu vas voir...

Ils baissent leur braguette et se mettent à uriner dans l'eau. Ça fait le joli bruit d'une fontaine sur une place ensoleillée de Provence.

- C'est horrible! Vous savez qu'on va y plonger votre petit frère?!

- Un peu qu'on le sait. C'est ça qui est drôle. Encore un chiard avec qui il va falloir tout partager! Déjà qu'on a presque rien à daller! On tient à l'accueillir comme il se doit dans la grande et belle famille Duval.

- Je vais aller voir vos parents et tout leur dire!

- Essaye un peu... On fait venir les frangins et c'est toi qu'on va baptiser. Y paraît que t'aimes ça trou du culte!

Ils se secouent le lardon, font tomber les dernières gouttes (ça fait le doux bruit d'une goutte d'eau qui choit au fond d'une caverne) et envoient un dernier crachat après avoir pris soin de s'être raclé les amygdales. Quatre énormes glaires font des longueurs dans le bassin.

- Et voilà, le bain du petiot est avancé! Au moins il ne risque pas de trouver l'eau trop froide... Allez, à plus tard! Et n'oublie pas, tu caftes, on te baptise...

 

La cérémonie fut splendide, les chants choisis par M. Gonzales magnifiques, les larmes de Mme Duval poignantes.

Seul le petit Grégory pleura plus qu'à l'accoutumée.

 

Bienvenue dans la grande famille des Chrétiens!

 

Amen.

 

Confessions d’un enfant de chœur

5 - La chorale.

 

Aujourd’hui c’est jeudi, et jeudi après l’école il y a chorale.

Quand la cloche de l’école retentit et annonce la fin des cours, je me précipite à l’église pour rejoindre mes amis : Marie-Thérèse, Solange, Bernadette, Jacqueline, Apolline et M. Gonzales, l’organiste. Je les aime bien, je suis un peu le chouchou du groupe. Il faut dire qu’ils ont tous 60 ans de plus et que me pincer les joues, me caresser la tête en me traitant de « petit canaillou Â» les amuse.

 

Ma voix d’ange comme ils disent est un don du ciel. Il serait dommage de perdre un tel trésor me disent-ils avec l’air triste de ceux qui savent que ça ne durera guère.

 

La répétition est un délice : M. Gonzales nous dirige et nous corrige quand une fausse note nous échappe ou que nous écorchons un mot latin. M. Gonzales n’aime pas que nous « massacrions Â» la langue de Virgile et ne se prive pas de faire remarquer à Apolline (originaire de la République Démocratique du Congo) que « bordel de merde ! C’est quand même pas compliqué de prononcer les [R] correctement ! Vouloir s’intégrer c’est bien mais faire de vrais efforts c’est mieux Â». Il est comme ça M. Gonzales, il n’aime pas qu’on écorche la langue de Virgile.

 

Il y a beaucoup de chants en latin à l’église, ça remonte à l’époque où la messe se faisait entièrement en latin pour empêcher les fidèles de bien tout comprendre. Je sais tout ça car je suis enfant de chœur.

 

À la fin de la répétition, M. Gonzales me demande de rester encore un peu pour me donner un truc qui me permettrait de conserver ma belle voix. Pour m’appâter, il me promet de me laisser jouer quelques notes sur son orgue; j’en ai toujours rêvé.

M. Gonzales me demande d’approcher, m’avoue que ça risque de faire un peu mal mais que c’est le seul moyen de garder cette voix, de faire une grande carrière et peut être même d’aller chanter pour le pape.

 

Il déboutonne mon pantalon, baisse mon slip, attrape mes testicules à pleine main et commence à serrer. C’est vrai que c’est douloureux. Il me rassure en m’expliquant que cette méthode a fait ses preuves durant la Renaissance. Il me serre de plus en plus fort, la sueur commence à perler sur son front et j’ai envie de pleurer. Il me dit « Je sais, je sais… Â».

Il serre davantage, je pousse un cri. Il lâche enfin son emprise.

-Excusez-moi ! Excusez-moi d’avoir crié !

-C’est bien mon garçon, tu es courageux, tu iras loin. Il faudra cependant que nous recommencions régulièrement l’opération pour bien finir le boulot.

Je sanglote.

-Allez viens, tu as bien mérité de pouvoir t’amuser avec mon beau jouet, grimpe sur mes genoux.

Je m’assoie plus ou moins confortablement entre ses jambes. La leçon commence avec les premières notes d’un Â« Sanctus Â» guilleret.

 

Je sens au sourire de M. Gonzales que cette leçon particulière lui plaît à lui aussi. Il trépigne, soupire, moi entre ses cuisses.

 

Une journée est toujours magnifique quand elle se termine en musique.

 

Amen.

Confessions d’un enfant de chœur.

4 – Le vin de messe.

 

Monsieur le curé est heureux car c’est le jour J. Nous réceptionnons enfin le nouvel arrivage de bouteilles de vin blanc qui serviront à l’office durant l’année. Monsieur le curé trépigne d’impatience de pouvoir goûter au nouveau breuvage, car il est vrai que le cru choisi l’an passé était de piètre qualité.

« C’est pas parce que la paroisse n’a plus un rond que je dois m’enfiler de la piquette Â» rechigne souvent le prêtre. « Et mon foie ! Personne n’y pense à mon foie nom de Dieu ! Â» jure-t-il souvent.

« M’étonnerait beaucoup que Jésus et ses apôtres aient sifflé de la villageoise à l’époque ! Â» argumente-t-il.

 

Le vin de messe est un élément essentiel de la célébration. C’est simple : pas de vin = pas de messe. C’est au moment de l’Eucharistie, quand on rejoue la fameuse Cène, le dernier repas de Jésus avec ses apôtres, que le vin est servi et qu’il devient le sang du Christ. Ce n’est pas comme un enfant qui dirait que « On dirait que ce serait le sang du Christ Â», non, le vin devient véritablement le sang du Christ. Ne me demandez pas comment et pourquoi, je ne suis qu’un enfant de ChÅ“ur.

 

M. le curé ouvre les cartons de bouteilles comme il déballerait ses cadeaux de Noël, attrape une bouteille et soupire de satisfaction.

-Ah, ça au moins, c’est pô de la pisse d’ange !

Sur l’étiquette je peux lire « Château Margaux 1966 Â».

-Là on sait à quoi ont servi les sous de la quête ! Je l’ai toujours dit, « réduisez le budget fleurs et investissez dans du bon vin Â».

Monsieur le curé est vraiment heureux.

-Bon gamin, on va pas se laisser aller, on va quand-même le goûter ce foutu pinard ! Faut bien fêter ça quand-même.

-Mais mon Père, je n’ai pas le droit de boire du vin, même mon père, enfin mon papa, ne veut jamais que je trempe les lèvres dans son verre pour goûter.

-Tu m’as bien dit que tu voulais être cureton plus tard non ?

-Evidemment, je lui réponds.

-Et bien il faut que tu t’habitues dès aujourd’hui mon garçon. T’imagines même pas le nombre de litres que tu vas devoir ingurgiter chaque foutu jour que le bon Dieu fait. Entre les messes, les invitations à dîner des fidèles et les réunions avec l’évêque et les cardinaux, tu tournes vite à 2/3 bouteilles jour. Alors autant habituer ton FOIE dès maintenant, tu auras tout le temps de t’occuper de ta FOI plus tard… Il se marre

Monsieur le curé a toujours le mot pour rire.

 

Le bouchon fait un POC qui résonne dans toute l’église.

-Tends-moi ton verre mon enfant. Avant de boire s’il te plait, tu me renifles ça… Alors, dis-moi, qu’est-ce que tu sens ?

-… euh… ça sent le vin.

-Ignare ! Mais qu’est-ce qu’on vous apprend à l’école bordel de Dieu ?! Tu ne sens pas ces parfums, cette douceur ?!

Monsieur le curé avale son verre d’un trait.

-Délicieux ! C’est comme ça qu’il faut boire gamin, si tu te mets à déguster le vin comme ces tarlouzes que tu vois à la télé et bien je peux te dire que ta journée est pas prête d’être terminée. Allez bois !

Je bois le liquide cul-sec. C’est ignoble.

-Faut pas te laisser le temps de réfléchir ! Tends-moi ton verre !

Il me ressert, je rebois - C’est infâme.

Il se ressert, reboit - Un délice.

Il me re-ressert, je re-rebois, c’est dégeulasse.

Il se re-ressert, il re-reboit, Dieu que c’est bon.

Il me re-re-ressert, je vomis, il me met une gifle.

-Salaud ! Tu n’as pô honte ! Gâcher du si bon vin ! C’est pas comme ça que tu vas finir curé moi je te le dis, espèce de PD aquatique !

-Mais mon Père, je n’ai que 7 ans.

-Pardon, excuse-moi « c’est pô comme ça que tu vas finir curé espèce de JEUNE tarlouze aquatique Â».

Allez, rentre chez toi ! Et ne t’avise plus de toucher à mes bouteilles. Bon à rien, tu me fais honte !

Il me gifle à nouveau.

 

Je quitte l’église penaud, honteux et titubant avec la ferme intention de me racheter. Dès demain j’irai prendre une bouteille dans la cave de mon père et commencerai à boire. S’il faut ça pour réaliser mon rêve, c’est à coup de barriques que je deviendrai prêtre.

 

Amen.

Confessions d'un enfant de chœur

3 - La relique

 

Dans mon église, il y a une relique.

C'est vachement bien d'avoir une relique, ça fait venir plein de gens et "ça permet de s'en mettre plein les poches" comme dit Monsieur le curé.

Nous, on a une relique de Sainte Eugénie, un petit bout d'os de son tibia ou d'un de ses orteils, on ne sait pas trop, enfermé dans un petit coffret en or. Le fragment d'os posé sur un petit coussin de velours rouge est visible grâce à une petite vitre.

Le reliquaire sculpté était incrusté de rubis et d'émeraudes mais Monsieur le curé m'a raconté que les nazis les avaient arrachés pendant la guerre pour les offrir au préfet de la ville voisine qui avait fait du bon boulot. Mon père dit que les pierres précieuses ont été piquées par l'ancien curé du village qui avait dû fuir en Amérique du sud après la guerre, parce qu'il n'avait justement pas fait du bon boulot. Hector Gaucho, "le sale gauchiste" comme l'appellent les paroissiens, m'a expliqué que la relique n'était en fait qu'un vulgaire bout d'un ragondin qui permettait à l’Église catholique de "s'en mettre plein les fouilles". Sur ce point au moins, il est d'accord avec Monsieur le curé.

La relique reste tout de même très précieuse car le coffret est en or massif et que les nazis (ou l'ancien curé) ont oublié les deux diamants incrustés sous le couvercle. Le morceau de Sainte Eugénie lui, est d'une inestimable valeur. Un pape est même venu se prosterner devant il y a longtemps, et si un pape se prosterne devant une relique c'est que ce n'est pas du ragondin.

 

Tout en admiration et en méditation devant la sainte relique, je n'entends pas s'approcher le grand Joseph qui pour me saluer m'assène une grosse tape derrière la tête.

- Alors trou du culte! Toujours à rêvasser que tu es marié à la Sainte Vierge?!

Deuxième tape derrière la tête, je n'ai pas le temps de lui dire bonjour et de lui demander comment vont ses parents.

Le grand Joseph se poste à côté de moi. Nous admirons en silence la relique.

Je savais que sous ses airs un peu rustres, le grand Joseph savait être sensible aux belles choses.

- Sainte Eugénie, y parait que c'était une salope, une pute et qu'elle est devenue sainte parce qu'elle a sucé le patron de l'époque. Quelle Pute!

Je lui dit qu'il raconte des mensonges, qu'il devrait avoir honte et se confesser pour avoir tenu de tels propos, mais il me répond:

1- Une grosse tape derrière la tête

2- Ta gueule!

3- C'était une pute et puis c'est tout! D'ailleurs, ça doit faire un moment qu'elle a pas vu de grosse bite et qu'elle a pas sucé.

Le grand Joseph commence à déboutonner son pantalon.

- Attrape la boite trou du culte!

- Mais c'est interdit, on a même pas le droit de la toucher!

- Ce qui est interdit c'est la dérouillée que tu vas prendre connard! Attrape cette boite!

Le crachat qu'il m'envoie au visage termine de me convaincre de prendre la relique.

- Maintenant, ouvre cette boite à pute!

Il baisse son pantalon, son caleçon et attrape son sexe en érection.

À son âge, il est déjà tout poilu et l'engin qu'il me présente a la taille d'un gros cierge pascal.

- Tiens la boite entre mes jambes abruti, et sers-toi de ta main droite pour m'astiquer le poireau!

- Astiquer quoi?

- T'es vraiment inculte trou du culte! Il se marre. InCULTE trou du CULTE, t'as compris?!

Il attrape ma main, m'oblige à serrer son machin et commence à faire de vigoureux va-et-vient. Je ne comprends pas où il veut en venir.

En quelques secondes, Le grand Joseph entre dans une sorte de transe mystique. Comme les croyants qui ont eu une apparition de la Vierge à Lourdes, il grogne et tire la langue.

Tout d'un coup, un liquide blanc visqueux surgit de son cierge pascal et vient arroser Sainte Eugénie et une partie de ma main gauche.

- Tiens sale pute! T'aimes ça ma cochonne! On se revoit quand tu veux.

Le grand Joseph essuie le bout de son machin sur mon pull, se rhabille et quitte l'église en fredonnant une chanson salace.

- À bientôt trou du culte!

Je suis sous le choc, le grand Joseph est entré en communication directe avec Sainte Eugénie.

- Merci mon Dieu de m'avoir permis d'assister à ce miracle.

Je referme le précieux reliquaire et le replace délicatement sur son support éclairé par une douce lumière.

La petite vitre, désormais maculée du baume miraculeux du Grand Joseph, ne laisse désormais plus voir la relique de Sainte Eugénie.

 

Amen.

Confessions d'un enfant de chœur

2 - J'ai vu la vierge


 

À 11 heures pile, à la fin de l'office, les fidèles et le curé s'échappent en toute hâte pour tenter d'être les premiers à acheter les religieuses au chocolat du père Poissart. Le père Poissart tient la boulangerie/pâtisserie située en face de l'église. C'est vrai qu'elles sont bonnes les religieuses du père Poissart, on se les arrache.

Le curé dit toujours en riant "Allez, il est l'heure d'aller me faire une religieuse! Bien dodues, c'est comme ça que je les aime!"

Il est drôle Monsieur le curé.


 

Tout le monde parti, je commence à ranger la sacristie: je plie l'aube du prêtre, cache l'argent de la quête dans la cachette secrète (derrière la pile de bibles sur la dernière étagère de l'armoire), et donne un petit coup de balai.

La sacristie, c'est la pièce attenante à l'église dans laquelle l'on prépare l'office. C'est comme les coulisses au théâtre, c'est le lieu où l'on trouve les accessoires et les costumes pour la représentation. Ici pas de trac, le spectacle est joué depuis 2000 ans.

Je sais tout ça car je suis enfant de chœur.


 

Je me mets à entonner un "Ave Maria" quand une voix me fait sursauter.

- Tu chantes bien.

C'est une des jumelles Vozniack, elle était à la messe tout à l'heure.

- Dis, tu me croiras jamais mais j'ai vu la vierge en sortant de l'église, elle était belle, blonde, avec une robe bleue comme moi.

- Tu mens, je lui réponds, la vierge elle ne se montre qu'aux saintes ou aux handicapés, et que je sache, tu n'es ni l'un ni l'autre.

- Tu veux pas me croire, tant pis pour toi, mais moi je retourne la voir, elle est juste là, derrière le confessionnal.

Je lui réponds "même pas vrai" mais je lui emboite le pas. On ne sait jamais, la vierge dans mon village, il ne faudrait pas rater ça.


 

Lorsqu'on arrive derrière le confessionnal, je me retrouve nez à nez avec l'autre jumelle Vosniack. Comme sa sœur, elle est blonde et porte une robe bleue.

- Tiens, la voilà la vierge!

La fille soulève sa robe, elle ne porte pas de culotte.

- Alors comme ça, on est pas des saintes! Viens tremper tes doigts dans mon bénitier! Tu vas voir comme elle est claire mon eau bénite!

La première jumelle attrape ma main et me plonge les doigts dans le minou de sa sœur. C'est vrai que c'est mouillé.

- Y parait que tu aimes boire l'eau bénite*, alors vas-y bois!

La première jumelle me met une béquille, je tombe à genou, tandis que la deuxième sœur Vozniack vient frotter sa foufoune duveteuse sur mon visage.

- Vas-y, récite le "Je vous salue Marie"!

- "Je vous salue Marie, pleine de grâce etc.", vous connaissez certainement la suite.

Heureusement qu'elles ne me font pas réciter le "Je crois en Dieu" parce que c'est beaucoup plus long.

C'est étrange, elle a un goût d'abricot...

À la fin de ma prière à Marie, elle abaisse enfin sa robe.

- Au moins tu auras quelques chose à raconter au curé pendant la confession, je suis sûre que ça va l'exciter ce vieux cochon.

Je suis toujours à genou quand elles quittent l'église en entonnant un joyeux "Ave Maria".


 

Elles ont raison, j'ai pêché, j'ai gouté au fruit défendu, il faudra bien que j'avoue mes fautes pour me faire pardonner.

Avant de quitter l'église, je m'arrête au pied de la statue de la vierge et récite "Je vous salue Marie, pleine de grâce...", un léger goût d'abricot au coin des lèvres.


 

Amen.


 

* Voir épisode 1 (bientôt dans les bacs)

Confessions d'un enfant de chœur

1 - Le bénitier


 

Le grand Joseph m'attrape par les cheveux, coince ma tête sous son bras et m'ordonne de boire l'eau du bénitier.

- Bois trou du culte! Bois!

Devant mon hésitation première et ma grimace de dégoût, il décide de s'en prendre à mon cuir chevelu en me frottant énergiquement le haut du crâne avec son poing.

- Bois! Ou je te fais bouffer la merde du chien de la mère Poissard. Qu'est ce que tu préfères hein?!

En effet, le garçon grassouillet et boutonneux n'a pas tort: boire l'eau du bénitier me semble la meilleure option.

J'ai le sommet du crâne qui commence à chauffer.

- D'accord, d'accord, arrête!

Le grand Joseph se marre.

Boire l'eau du bénitier ça semble pas grand chose, surtout que l'eau est bénite et qu'elle vient de Lourdes, mais quand on connaît les gens qui viennent y tremper les doigts tous les dimanches, il y a de quoi avoir la nausée.

Le bénitier, c'est la grande vasque en marbre placée à l'entrée de l'église qui permet aux fidèles de faire le signe de croix après s'être trempé l'index et le majeur de la main droite dans l'eau bénite. C'est le passage obligé en entrant. C'est comme tremper les pieds dans le petit bassin avant de plonger dans la piscine: il faut se purifier, se débarrasser de ses mycoses.

Je connais tout ça parce que je suis enfant de chœur.

Je ne sais pas depuis combien de temps l'eau bénite croupit là mais un léger dépôt verdâtre se balade doucement au fond de la vasque et une mouche morte fait la planche à la surface.

- Bois!

Quand je pense à Dumont le boucher et à la mère Poissard, j'ai le cœur qui se soulève.

Dumont est un porc, sa boucherie une porcherie, et sa femme ressemble à une truie. Toujours une main dans le pantalon, il passe ses journées à se gratter les balloches, à servir les clients et à mettre une main au postérieur généreux de son épouse. Le dimanche matin, une fois par semaine, il vient se laver et se purifier dans le bénitier.

- Bois!

La mère Poissard a toujours été vieille et je l'ai toujours connue avec ce vieux caniche arthritique sans âge prénommé Poupée. Ce qui me dégoûte c'est que ce chien empli de croûtes d'eczéma et de merde au cul passe son temps dans les bras de la vieille à lui lécher le visage et les mains.

- Bois!

J'essaye de ne pas penser à Bruard qui sans cesse se décrotte le nez, aux jumelles Vozniak qui tripotent les garçons de leur classe et viennent se confesser le dimanche, mais surtout, j'essaye de ne pas penser à Francis, le clodo qui vient faire la manche à la sortie de la messe et qui en profite pour assister à l'office.

- Bois!

Le grand Joseph se fait pressant et la grosse tape qu'il me met derrière la nuque révèle son impatience.

Je m'exécute et commence à boire lentement. Surtout ne pas réfléchir. Surtout ne pas penser.

Je lève les yeux et vois le grand Joseph qui me regarde. Il tremble de plaisir, un sourire maléfique dessiné sur la bouche.

- Bois!

Que Dieu lui pardonne.

Je bois encore , encore, jusqu'à la dernière goutte.

Le grand Joseph pousse le vice jusqu'à me faire lécher le fond du bénitier et son dépôt verdâtre.

Je vais vomir. Ne penser à rien. Chasser toutes ces images.

Quand je termine, le grand Joseph est déjà en train de quitter l'église en se marrant.

- À bientôt trou du culte!

Les voies du Seigneur sont impénétrables mais il me met à l'épreuve je le sais.

Par cette eau, il a choisi de me laver de mes fautes, de mes pensées impures.

- Dumont et Poissard soyez bénis!

Amen.

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