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Du sexisme ordinaire

Certains disent que je suis un poil susceptible, que mes réactions peuvent être trop vives, voire agressives… Bref, paraît que j’suis une énervée. Mais bordel, vous savez ce que c’est qu’être une nana dans ce monde de mecs ? Prenez par exemple, le SSB qui, et c’est plus un secret, est composé d’une bande de mecs sexistes, frôlant le racisme et passablement obsédés par la gente féminine.


Bref, je sais que tout le monde en parle et que c’est même l’un des sujets traditionnels de la rentrée, mais j’ai quand même envie de vous raconter le week-end ordinaire d’une nana à Paris, en pleine canicule estivale. En l’occurrence, le week-end que j’ai passé avec ma copine Jujueu (elle est du Sud et là-bas, ils prononcent même les « e » muets).


Nous étions au cœur de la canicule estivale. On cumulait donc pas mal de handicaps pour ce week-end : robe légère, le vélo comme moyen de transport (ce qui raccourcit ostensiblement la robe car, sur une selle, quand bien même vous avez l’attitude la plus élégante qui soit, vous vous retrouvez forcément quasi à poil à un moment donné) et en prime, j’ai quelques tatouages (ce détail aura son importance, vous verrez).


Alors, lecteur, si tu ne l’as jamais expérimenté, il faut que savoir que quand t’es une nana (même la plus dégueulasse du monde, j’imagine – d’ailleurs, même si t’as de la moustache), il y a toujours toute une ribambelle de mecs qui se sentent obligés de te lancer des « bonjour » à tout va. Mais quand tu es une nana accompagnée d’une autre nana, y a plus de limite.

C’est simple, on a comptabilisé ce week-end là une douzaine d’agressions verbales à la journée. Tu m’diras que j’exagère, que le simple mec qui te dit « Salut Mademoiselle » ou « Wesh, ça va ? » (pour les plus polis d’entre eux) n’est pas censé entrer dans la case « agression verbale » et que je fais ma susceptible, encore. Mais quand on te le dit pour la 8ème fois de la journée, en arrêtant ta route ou en interrompant ta discussion, ça commence à faire lourd. Parce que soyons francs, même si j’étais en week-end en mode détente, j’ai pas nécessairement envie de répondre aux « bonjour » de tous les édentés du boulevard de Clichy… Parce que le problème, c’est la répétition. C’est elle qui transforme le moindre regard en agression. Ajoute à ça ceux qui vont plus loin – et là, je ne parle même pas de ceux qui te sifflent ou font « ooouuuuh la la ! », ceux-là restent la base, tu vois… Bref, tu finis généralement ta journée en voulant casser la gueule au pauvre mec qui te demandait juste où était le métro : « Qu’est-ce que t’as connard ?? À quel moment t’as décelé dans mon regard l’envie de te parler ? ».

Et puis, comme je le disais, on était en vélo et c’est le genre de situation où tu as droit à tous les commentaires possibles (oui, car apparemment, une fille en vélo fait partie des situations extraordinaires qui nécessitent un commentaire), accompagnés de sourires entendus, du classique « on voit ta culotte », au plus original : « Oooh ! les p’tites cuisses ! ».

En plus de tout ça, tu rajoutes de purs moments de bonheur, qui arrivent quand tu ne t’y attends plus. Par exemple, quand tu te poses dans un café et que tu te payes un vieux serveur qui pue et te dit « Alors mes jolies, qu’est-ce que je vous sers ? ». Tout va bien (quoique), jusqu’au moment où le mec se sentant en confiance te complimente sur tes tatouages en décidant d’y toucher. Et bim, tu te fais allègrement caresser le bras par un mec qui n’a pas dû se laver les mains depuis son dernier caca (tu m’diras, encore une fois, j’me vénère pour rien car avec cette même main, il a déjà servi ton verre, touché ta paille, mis tes glaçons et coupé ton citron). Bizarrement, quand la veille, le conducteur d’un camion-poubelle s’était arrêté en plein boulevard pour me crier « Joli tatouage ! » et que j’ai failli tomber de vélo tellement il m’a fait peur, ce con, j’ai préféré et presque classé ça dans les jolis moments de ma vie.

S’ensuit la reprise du vélo, l’arrêt au feu rouge et le vieux Grec de 70 ans qui décide de t’insulter et de se foutre de ta gueule : « Allez, on fait la course en vélo les jolies ? Hein ? On fait la course ? Allez, préparez-vous. Elles répondent pas, elles doivent être anglaises, elles comprennent rien ». Par chance, on ne comprenait effectivement pas tout ce qu’il disait à cause de son vieil accent pourrave.

Mais le summum de la journée a été atteint avec le retour à 2h du matin samedi soir. Déjà, t’es un peu tendue quand tu reprends ton vélo car tu sais que tu vas te faire emmerder. En général, ça se limite aux coups de klaxon des mecs qui te croisent en voiture, au pauvre mec bourré qui te court après en sortant d’un bar, ou au verre de bière que tu te prends car tu as eu la mauvaise idée de prendre la piste cyclable transformée en trottoir puisqu’elle se trouve juste devant un club… Bref, t’es tendue. Et là, avec Jujueu, on a eu un trajet plutôt calme, trop beau pour être vrai. Bim ! À peine à 100 mètres de chez moi, on croise une bande de jeunes mecs. J’vous le donne en mille, ils n’ont pas pu juste nous laisser passer sans rien dire. On a eu droit à « bonsoir » par trois d’entre eux. Et quand il est 2h du matin, que tu sois sobre ou bourrée, encore une fois, la dixième interpellation gratos de la journée te fait chier. Fièrement, on les a donc ignorés et en réponse, on nous a donné du : « Sympa, des dames âgées qui font la gueule ! ». À nous, nous qui nous sent(i)ons trop fraîches du haut de nos 65 ans cumulés…


Finalement, c’était la punchline du week-end.



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